NOTRE DAME DE MONTOUR

Sur le territoire de la paroisse de Nercillac il y eut aux environs de l’an 1000, deux prieurés et sans doute des moines, bien que nous ne sachions pas très bien, la date à laquelle ces prieurés n’abritèrent plus de moines . A cette époque, de nombreux édifices religieux furent construits (ce fut la grande période des églises romanes) et beaucoup étaient des prieurés. Ce fut le cas pour les deux prieurés de Nercillac : N.D. De Montours et St Germain .

Mais qu’est ce qu’un prieuré ?

C’est une communauté religieuse placée sous l’autorité d’un prieur et, par extension les bâtiments et la chapelle abritant cette communauté . Un prieuré dépend d’une abbaye .
La terre de Montours a été donnée au monastère bénédictin de Marcigny qui dépendait de l’ordre de Cluny, en 1073 par Rannoux et Alon de Jarnac . La possession de l’église (par Marcigny) fut confirmée par le pape Urbain II en 1095 puis par Calixte II en 1120 .Elle était dotée d’une rente annuelle de 5 sous 6 deniers argent 2 boisseaux et demi de froment, autant d’avoine et une géline . C’était un fief ecclésiastique en franche aumône, c’est à dire qu’il ne dépendait que du Roi pour les impôts .
Le prieuré de Montours était connu sous le vocable de N.D. Des Sept Douleurs ou N.D. De Pitié .
En 1385 il y a encore un moine à Montours ; L’ensemble des bâtiments a été détruit par la guerre ( nous sommes au début de la guerre de 100 ans) . La chapelle a été remaniée au 15ème siècle . Sa façade comportait une porte Renaissance tout à fait semblable à celle de l’église de Chassors . Les moines qui composaient la communauté se dispersèrent vers1400 . Par la suite on y voit des prieurs bénédictins qui, bientôt, cessèrent d’y résider . Le prieuré devint séculier (c’est à dire sans régles monastiques) vers 1580 .
Les cures de Réparsac et de Fontaine Chalandray lui sont unies : c’est le prieur de Montours qui proposait le curé dans ces deux paroisses .
Ce fut, pendant très longtemps un lieu de pélérinage .

De quoi vivaient les moines et le prieur du monastère ?

Les moines étaient des agriculteurs . Le prieuré était un domaine agricole composé de vignobles, de champs, de prés et de bois mis en valeur par les moines qui subvenaient ainsi à leurs besoins . Ils pouvaient aussi être artisan . Ils vivaient en autarcie .Le prieuré de Montours était propriètaire de terres situès notamment à Réparsac (les vignes devant le château de la Vénerie) Narcillac et semble-t-il Chassors . Une partie de ces terres a été achetée ultérieurement par le Comte de Jarnac .
Le prieur avait le droit et le pouvoir de louer d’ arrenter ou de vendre des terres mais aussi de réclamer aux habitants des alentours des redevances et impôts dont le plus connu était la dîme ecclesiastique qui représentait une fraction des produits de la terre récoltés par les paysans . Il y avait également des terres dont les propriétaires devaient hommage au prieur de Montours et devaient lui verser une rente .

Un acte de conciliation entre les prieurs de St Germain et de Montours en date du 19 avril 1784 figure aux Archives . Les 2 prieurs réclamaient chacun la dîme pour leur propre compte, aux mêmes paysans ! (Voir l’histoire de l’église St Germain)
Par ailleurs en ce qui concerne Montours le prieur percevait une rente , dont il est question plus haut, qui lui était versée par le seigneur de Cognac, il avait aussi des compensations lorsqu’une partie de ses terres était submergée par les eaux de l’étang du Solanson .
Lorsque les moines et le prieur furent partis de Montours, les bâtiments abritèrent un métayer qui cultivait les terres pour le compte du prieur . Celui-ci, jusqu’à la Révolution en1789, venait réguliérement chercher les fruits de la propriété ainsi que le montant des impôts (la dîme) et des rentes .

C’était donc l’abbé de Cluny qui nommait le prieur jusqu’à la fin du 16ème siècle et par la suite il a laissé ce droit à l’evêque de Saintes . Car la paroisse de Nercillac comme toutes celles alentour dépendait de l’évêché de Saintes jusqu’à la Révolution .
Nous avons la liste des prieurs de Montours . A partir de 1513 il y eut 3 prieurs de la famille de l’Estang du fief de Rulle (paroisse de Sigogne) . Vers la fin de la guerre de 100 ans (environ 1450) Fouquet de l’Estang, un membre de la famille du prieur épousa Marie de Montours dont la famille tenait en fief le hameau du même nom . Sur la clé de voûte de la chapelle se trouvait un blason : c’était indiscutablement celui des de l’Estang . On pense qu’il fut gravé à la suite du mariage de Fouquet de l’Estang . En tout cas cela indique le lien qu’il y a eu entre cette famille et N. D. de Montours .
Il y eut ensuite plusieurs prieurs de la famille Chabot et Rohan-Chabot, comtes de Jarnac .
Le prieur Dezons fit construire, en 1741, la sacristie de l’église de Réparsac .
Enfin le dernier prieur François Cauroy succédait en 1744 à un autre Cauroy, Guy Charles . Il habite à Jarnac depuis 1769 . Il sera élu maire de Jarnac (le premier) le 1er février 1790et le restera jusqu’en 1793 . Il prête serment à la Constitution Civile du Clergé puis se défroquera à la fin de l’année 1793 .

L’inventaire des Eaux et Forêts en date du 18 mars 1744 en vue d’une adjudication pour des travaux devant permettre l’installation d’un métayer au prieuré décrit les bâtiments .
Il semble qu’il y avait, outre la chapelle (dont une partie et le clocher menace ruine) et un bâtiment comprenant 3 ou 4 pièces avec cheminée sur 2 niveaux plus 2 greniers, un chai, un treuil,une écurie, un four, 4 toits, une basse cour, un petit pigeonnier, une grange, un puits .
En outre 2 actes de prises de possession du prieuré par un nouveau prieur . Celui concernant François Dezon en date du 9 janvier 1702 passé devant notaire nous indique en quoi consistait la cérémonie : le prieur prend les clés, entre dans l’église,sonne la cloche, allume les cierges . Puis il va dans les bâtiments, allume le feu dans les chambres, va dans la grange, ferme le portail, etc…et ainsi a pris aux yeux de tous, possession de son prieuré .

Le prieuré et toutes les terres furent aliénés le 31 mars 1791 comme bien national (comme ce fut le sort de tous les biens appartenant aux nobles émigrés et au clergé) à un propriétaire privé moyennant la somme de 60 200 livres .
Au 19ème siècle , on continua à venir en pélerinage . La chapelle aurait été restaurée en1893 par son propriétaire et bénite par le curé de Jarnac en 1894 .
Aujourd’hui, il ne reste plus rien de cet ensemble de bâtiments .

Le cartulaire de Marcigny sur Loire (J. Richard)
Histoire de Cognac,Jarnac,Segonzac (E. Cousin)
Archives Départementales série J 163-451 rt 140 B 16- 60 B 16- 2E 3131
Jarnac à travers les âges (Robert Delamain)
Pouillé du dicèse d’Angoulême (Nanglard)
Divers actes notariés