LE LOGIS DU TIGNOU
LE LOGIS DE TIGNOU - LES SEIGNEURS DE NERCILLAC
[Logis du Tignou] Le Logis de Tignou fut le siège d’une seigneurie tenue à l’hommage à l’abbaye de Chastres puis au cours des siècles, ce fief fut uni à celui de Nercillac (ils appartenaient à la même famille) qui, lui, relevait de la chatellenie de Jarnac. Nous allons voir tout d’abord qui étaient ces seigneurs de Tignou et Nercillac, puis comment ils vivaient et enfin où ils vivaient.
1°) Qui étaient les seigneurs de Tignou et Nercillac ?
Le 21 janvier 1555 Jacques de Lestang possesseur de Tignou abandonne sa terre à sa fille Madeleine à l’occasion de son mariage avec Poncet Brunet, écuyer. Leur fille Madeleine épouse Jean de Castel, argentier de la maison du lieutenant général pour le Roi en Angoumois, Aunis et Saintonge qui devient ainsi Seigneur de Tignou. Leurs héritiers Louis et François de Castel , sieurs de La Groie (en Nercillac), vendent en 1631 ce fief à Adam Chateauneuf de Randon seigneur de Tillou . Ses héritiers le revendent en 1656, à Jacques Ranson, conseiller et avocat du Roi en l’élection de Cognac . Celui-ci n’étant pas noble, le seigneur de Jarnac, son suzerain, lui retire tous les droits seigneuriaux qui avaient été vendus à Adam Chateuneuf de Randon, dont les droits de haute, moyenne et basse justice . Il ne garde que la justice foncière pour se faire payer ses rentes et agriers (impôts dus par les paysans) . Jeanne Ranson, sa fille, épouse Pierre de Chièvres et leur fille, Rachel épouse Louis Green de St Marsault en 1678 . Le Logis reste dans les mains des Green de St Marsault jusqu’en 1738 puis passe ensuite entre les mains de Jean Gaspard Pandin qui avait épousé Henriette de St Marsault . C’est cette famille Pandin, originaire du Poitou (2 autres branches seront à Bernac Château de Beauregard, et à St Fraigne château de Biarge) dont Nercillac gardera la mémoire . Pour continuer la généalogie de cette famille il y eut, leur fils Louis Pharamond Pandin, baron de Nercillac et de Tonnay Boutonne né en1739 puis, Charles Pharamond Pandin né en 1768 qui fait sa carrière dans l’armée, émigra à la Révolution et revint en 1815 au moment du retour du roi Louis XVIII. Puis au 19ème siècle Louis Pharamond Léonce Pandin qui devient comte héréditaire de Nercillac par ordonnance du Roi Charles X le 4 avril 1830 (il était propriétaire du château de Beauregard à Bernac. Son fils Ernest Pandin né en 1828, comte de Nercillac sera sous-préfet de Cognac en 1862.
[Logis du tignou] Auparavant le logis et les terres de Tignou connurent deux autres propriétaires. Le 26 avril 1775, Louis Pharamond Pandin vend le domaine au chevalier Pierre de Luchet qui le revend en 1785 à Joseph Antoine Elizabeth Piè de Carrière, conseiller au Parlement de Bordeaux qui émigre. A part les deux dernières ventes on voit que ce domaine s’est souvent transmis par les femmes .
Le 21 octobre 1793, cette propriété est vendue comme bien national, son propriétaire (Pié de Carrière) ayant émigré. Le Logis est acheté par Pierre Léger, notaire à Nercillac pour le compte d’une vingtaine d’acheteurs presque tous de Nercillac .
2°) Comment vivaient ces seigneurs ?
Quels étaient leurs métiers et leurs revenus ?
Sans doute pour certains étaient ils comme les Green de St Marsault des gentilshommes campagnards s’occupant de faire valoir leur terres, de vendre l’eau de vie qu’il fabriquaient, de faire entrer les fermages et les impôts dus par les paysans, etc… Mais aussi pour certains au moins, ils embrassèrent la carrière des armes : ainsi Louis Pharamond Pandin servit dans la 1ère compagnie des mousquetaires (campagnes de1761 et 1762) . Il fut ensuite aide de camp du maréchal de Soubise. Son fils Charles Pharamond fut capitaine au régiment du Roi-Cavalerie en 1788. Quand il émigra, il servit dans l’armée de Condé de 1792 à 1796. D’autres, comme Jacques Ranson et Piè de Carrière furent des juristes : le premier avocat du Roi, le second conseiller au Parlement de Bordeaux. Certains étaient donc loin de vivre en permanence à Tignou : il n’y a qu’à regarder leurs lieux de naissance, de mariage ou de décès .
Quels étaient leurs revenus ?
Bien sûr toutes les rentes, agriers payés par les paysans, les fermages et métayages ainsi que les nombreux impôts et redevances seigneuriaux. A l’origine au Moyen Age ces droits féodaux se justifiaient par le fait que les villageois pouvaient se réfugier dans l’enceinte du château lorsque des guerriers envahissaient leurs terres ou en cas de catastrophes naturelle . En contre partie les villageois donnent une partie de leurs récoltes au seigneur. Depuis bien longtemps cette protection n’est plus assurée ; par contre les impôts, eux, sont toujours maintenus et constituent les privilèges de la noblesse qui seront abolis seulement à la Révolution, le 4 août 1789. Le revenu de Tignou était, à la Révolution de 4800 livres par la ferme du domaine et les agriers et par la ferme du moulin et d’autre part par les droits de pêche sur la Soloire et les droits de chasse .
Étaient ils riches ?
Evidemment cela était sans doute différent d’une génération à l’autre mais il semble qu’ils ne roulaient pas tous sur l’or ainsi qu’en témoigne la description de l’intérieur du logis : les meubles sont très simples, vieux et usés . Apparemment ils étaient souvent entrain de courir après leurs sous . Les seigneurs de Nercillac étaient également propriétaires d’une maison à Cognac d’une autre à la Groie (Nercillac) où logeait un métayer, et d’une 3ème à Luchac . Il semble que les de Chièvres et de St Marsault n’étaient pas très riches . Par contre les Pandin qui embrassèrent tous la carrière des armes étaient beaucoup plus à l’aise . C’est sans doute eux qui firent reconstruire ou restaurer le logis comme la date de1757 inscrite sur une cheminée l’indique .
Quels rapports avaient ils avec la population ?
En fait il semble qu’ils n’étaient pas toujours idylliques. En 1759, Gaspard Pandin porte plainte auprès de la sénéchaussée de Jarnac car " des personnes mal intentionnées ont coupé un nombre considérable de jeunes peupliers qu’il avait fait planter ". Pour ces méfaits, il demande une punition exemplaire. Le seigneur tenait beaucoup à ses privilèges comme le démontre le procès dont nous avons trouvé trace. En 1766 les villageois refusent de porter au logis noble de Tignou le montant (en nature) du droit d’agrier concernant leur vigne. Ils estiment que le seigneur doit venir le quérir (prendre) au ban de vendange. La justice de Jarnac puis d’Angoulême leur donne raison. Pandin fera appel à Paris et obtiendra gain de cause : les paysans iront porter au logis la part de vendange due au seigneur. Cela fit germer de sourds ressentiments de la part de la population qui essaiera de nuire de différentes manières .
Quelle était leur religion ?
Jean Pandin, le grand père de Jean Gaspard professait la religion réformée et prit part sous la bannière des protestants aux guerres de religion . Qu’en est il de ces descendants ? Sans doute la famille s’est-elle convertie au catholicisme au moment des répressions qui ont abouties à la Révocation de l’Edit de Nantes car un banc leur était réservée à l’église .
3°) Enfin les seigneurs de Tignou et Nercillac vivaient dans le logis de Tignou du moins le logis leur appartenait car nous avons vu qu’un certain nombre d’entre eux vivaient tout au long de l’année en ville. Que savons nous de ce logis ?
Nous avons trouvé chez un particulier à Sigogne un tableau qui représenterait le logis au 18ème siècle . C’est la seule image que nous ayons de l’ensemble des bâtiments qui devait s’étendre sur la quasi totalité du village actuel de Tignou. On y voit au premier plan ce qui semble être un moulin. Nous en avons des descriptions très partielles dans l’acte de 1631 (vente par Jean Castel à A. Chateuneuf de Randon), dans un inventaire par Me Cauroy en1730 après le décès de Louis Auguste Green de St Marsault, dans l‘acte de vente par le Chevalier de Luchet à Pié de Carrière en 1785 et enfin au moment de la vente comme bien national le 21 octobre 1793. Mais il est très difficile avec ces descriptions de se faire une idée de ce bâtiment .qui a sans doute été remanié au cours des siècles. Il était fermé par des murs et allait jusqu’à la Soloire. Il y avait une cour, plusieurs chais, des écuries, des dépendances, un logement pour un métayer et pour des bestiaux, un enclos appelé la Rémonerie attenant aux bâtiments, une fuye (colombier) au moins au 17ème siècle, des futaies, garennes, aireaux , etc… Il y avait 2 chaudières à eau de vie, un foudre de bois, 2 pressoirs, 6 tonneaux, etc… Un certain nombre de pièces sont indiquées sans grande précision (peut-être une dizaine) dont de petites chambres pour plusieurs domestiques, une femme de chambre et des servantes. Le domaine comprenait des terres labourables, des prés, des vignes, des marais…et un moulin à eau . Ce dernier est affermé avec 12 journaux de terres. Au total le domaine a 160 journaux soit environ 53 ha situés aux alentours (la Rivelette, le Pré de Rulle, la prairie de Varaize, la Plante de La Chagnaie, etc…) . Le meunier est logé sur place. En 1785, sur l’acte de vente de Luchet à Pié de Carrière est précisé de qui dépendent les différentes parties du domaine : du comté de Jarnac (pour 58000 livres), de l’abbaye de Châtres (pour 56120 livres), une partie est roturière (pour 7000 livres), de la seigneurie de Baigne (6000 livres), du prieuré de Montours (1000 livres), de la seigneurie de Luchac (80 livres). A la Révolution, le logis est vendu comme bien national le 21 octobre 1793 et 6 pluviose an II (25 janvier 1794). Les bâtiments furent divisés en une vingtaine de lots achetés par Me Pierre Léger notaire à Nercillac, pour le compte des propriétaires presque tous de Nercillac qui se les partagèrent (on trouve les noms de Conte, Foucher, Mesnard,Gagnères, Mme Mitonneau, Dessandier, Tirat, Rigaud, Phelipaux, Gourson, tous noms bien connus à Nercillac). Le 1er lot comprenant le logis proprement dit fut adjugé pour 41700 livres . Sur le cadastre nopoléonien de 1829 nous trouvons pour ce bâtiment du logis proprement dit 3 noms : Guérin, Maugis et Tirat puis à la fin du 19ème siècle Mr Portier. Mais ce ne furent pas les seuls. On construisit une route tout autour de ce qui est maintenant le village. En 1875, selon un historien du 19ème siècle (l’abbé Cousin) le logis (ou ce qu’il en restait) aurait été la proie des flammes. Vers les années 1970, il ne restait presque plus que des ruines. On pouvait malgré tout remarquer une porte d’entrée ouvragée, un escalier à balustre en bois, 2 belles cheminées du 18ème siècle. Cette bâtisse datée de 1757 (ce n’était pas le 1er bâtiment puisque nous avons trouvé des seigneurs en 1555 ) était dotée d’une gargouille à l’une de ses extrémités. Le dernier propriétaire rasa ce qui restait du logis et construisit deux maisons modernes (vers 1980).
Archives Départementales de la Charente E 570 , E 630, 2E 5928, 2E 14442, 2E 21669 , Q III 20, Q III 76, Q XVIII 62 Abbé Cousin « Histoire de Cognac, Jarnac, Segonzac 1882